Si le critère de conformité aux bonnes mœurs n’est que très rarement évoqué lors de l’examen d’une demande de brevet, une récente décision de l’Office Européen des Brevets montre l’importance de ce critère et illustre quelles sont les considérations prises en compte.
Dans la présente affaire, l’invention concerne des chimères homme-animal, en particulier des porcs chimériques destinés à être utilisés dans la production de sang humain. La Chambre de recours a examiné la brevetabilité de cette invention au regard de l’article 53(a) CBE (Convention sur le Brevet Européen), qui concerne l’ordre public et les bonnes mœurs.
La Chambre indique que si les chimères homme-animal ne sont pas présentes dans la liste des exclusions de la règle 28(1) CBE, la Directive Biotech (98/44/CE) spécifie que les procédés impliquant certaines cellules humaines et animales (notamment germinales ou totipotentes) portent atteinte sur la dignité humaine et doivent, de ce fait, être exclus de la brevetabilité.
La Chambre souligne que les cellules pluripotentes, bien qu’elles ne puissent pas donner directement naissance à un organisme entier, ont néanmoins la capacité de se différencier en cellules neuronales ou reproductives. Il existe donc un risque que, dans le cadre de l’invention revendiquée, des cellules humaines s’intègrent dans le cerveau de la chimère, lui conférant des capacités cognitives ou comportementales proches de celles de l’homme, ou dans sa lignée, lui permettant de transmettre des traits humanisés à sa descendance.
L’invention telle que revendiquée n’excluant pas ces risques, la Chambre a donc considéré que l’invention devait être exclue de la brevetabilité puisque jugée contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.