Dans notre profession, l’action en concurrence déloyale ou parasitisme est ce qu’il reste quand on ne peut pas justifier de droits de propriété industrielle et donc engager d’action en contrefaçon. Il n’en reste pas moins que cette action peut être très efficace si ses règles sont bien respectées. Plusieurs décisions récentes en ont précisé les contours.
Cour de Cassation – 26 juin 2024 – MAISONS DU MONDE / AUCHAN
Dans cette première affaire, Maisons du Monde a assigné Auchan en concurrence déloyale et parasitisme au regard de la commercialisation par Auchan de vaisselle reprenant des images « vintage ». La demanderesse soutenait que ces objets reproduisaient un décor créé par son bureau d’étude et commercialisé sous forme de tableau sur toile.
La Cour d’appel avait rappelé que pour que le parasitisme soit caractérisé, il incombe à la demanderesse de « rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis, à savoir :
- l’existence d’une valeur économique individualisée résultant d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel, d’une notoriété et d’investissements
- l’inspiration ou l’évocation de cette valeur économique procurant un avantage concurrentiel à l’auteur des actes parasitaires
- et une inspiration ou une évocation intentionnelle injustifiée et à titre lucratif ».
Dans le cas présent, le premier point n’a pu être démontré. En effet, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent consistant en une combinaison banale d’images, n’ayant jamais été mise en avant comme emblématique de l’univers de la marque Maisons du Monde et ne représentant pas en tant que tel une valeur économique individualisé ne constitue pas d’acte de parasitisme.
Cour d’appel de Paris – 16 octobre 2024 – CHANEL / JONAK
Au contraire, les éléments constitutifs du parasitisme ont été considérés comme présents dans cette décision qui a fait grand bruit dans le secteur de la mode.
Chanel commercialise depuis de nombreuses années un modèle de chaussures dit « slingback » beige et noire. La société a également décliné la bandoulière « chaine » de son sac 2.55 sur de nombreux accessoires. Elle a considéré que JONAK portait atteinte à ses codes distinctifs et identitaires en commercialisant plusieurs souliers reprenant soit le code couleur beige à bout contrastant noir, soit une chaine entrelacée de cuir.
Chanel a réussi à établir devant la Cour une large connaissance de ses produits en cause par le public et à démontrer la valeur économique individualisée qui justifiait sa réclamation, notamment par le biais d’un sondage sur un panel de 500 femmes, une large exposition dans différents médias depuis de nombreuses années, une revue de presse conséquente, des investissements importants pour promouvoir ces souliers.
La condamnation de Jonak reste toutefois limitée à 150.000 euros au titre du préjudice économique, ce qui n’est sans doute pas en relation avec les investissements engagés et les bénéfices réalisés par Jonak.