Lorsque vous créez une forme ou un design original, il est possible d’en demander la protection par le biais d’un dessin et modèle, à déposer selon le pays qui vous intéresse, par exemple devant l’INPI (France) ou l’EUIPO (Union européenne).
L’une des conditions de validité de votre modèle est sa nouveauté et son caractère individuel, et ces deux critères sont appréciés de façon large, c’est-à-dire que toute divulgation « ayant raisonnablement pu être connue des milieux spécialisés dans le secteur concerné » est susceptible de détruire la nouveauté.
Un peu comme en matière de brevets donc, il est nécessaire d’anticiper le dépôt de vos modèles et de les faire avant toute commercialisation. Car cerise sur le gâteau, votre propre divulgation peut également détruire votre nouveauté. Le règlement communautaire prévoit toutefois un « délai de grâce » de 12 mois précédant la date de dépôt du dessin et modèle durant laquelle la divulgation n’est pas prise en considération si elle est le fait du créateur ou de la créatrice.
Deux décisions récentes viennent rappeler ces principes :
Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris (CA Paris 14 Septembre 2022 Aker SARL et Souvenirs de Rivoli c. Happy Days In Paris SARL), le modèle invoqué se composait d’une tour Eiffel en métal, d’un macaron et d’un nœud vichy.
Celui-ci a été estimé dépourvu de nouveauté car reproduit de façon identique dans le catalogue d’une société chinoise versé aux débats et divulgué antérieurement à la date de de dépôt de la demande d’enregistrement.
La société qui revendiquait le modèle a soutenu que le catalogue du fournisseur ne pouvait être raisonnablement connu par les professionnels du secteur mais cet argument n’a pas été retenu, les catalogues s’adressant à l’ensemble des opérateurs du marché des souvenirs notamment d’Europe qui se fournissent principalement en Chine.
La seconde décision est issue de la Chambre des Recours de l’Union Européenne (11/08/2022 -R726/2021-3) et vise cette fois un modèle de chaussures. Déposé en 2016 par la société PUMA, le modèle est attaqué en nullité en 2019 par la société Handelsmaatschappij J. Van Hilst B. V. pour manque de nouveauté.
La demanderesse produit à l’appui de sa requête une publication du compte Instagram de la chanteuse Rihanna, portant les dites chaussures, datée de Décembre 2014 ainsi qu’une série d’articles évoquant une possible collaboration entre Rihanna et Puma datant de 2015.
Puma s’est défendu en arguant du fait que dans la plupart des publications invoquées, la chaussure en cause ne peut pas être vue en détail. Elle a également affirmé que les publications sur les médias sociaux, qui sont des sites web privés, n’ont pas pu être portées à l’attention des milieux d’affaires de l’Union dans le secteur concerné. En outre, il n’y avait pas de témoignage, ni de vente, ni d’offre réelle.
Las, tous ces arguments ont échoué, le compte Instagram de Rihanna n’étant pas réellement ce qu’on peut appeler privé, mais au contraire suivi par des millions de personnes y compris des entreprises, et que ses faits et gestes, incluant une collaboration avec une marque étaient des informations qui ne pouvaient être ignorées des milieux concernés.
Un bon rappel pour l’essentielle collaboration entre les services marketing ou communication et le juridique, qui doit en principe être informé de toute divulgation dans des salons, catalogues ou collaborations pour assurer au mieux la protection des actifs de propriété intellectuelle.
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