Du mauvais usage de la mention « formule brevetée »

Le monde de la PI
Publié le 20 novembre 2024

Dans un arrêt du 11 septembre 2024, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur des accusations de concurrence déloyale entre la société française Sovedis et la société britannique Hydrachem, toutes deux actives dans la distribution de comprimés de désinfection de l’eau.

Sovedis, distributeur des comprimés « Aquatabs », reproche à Hydrachem, fabricant des comprimés « Oasis », des pratiques trompeuses et de surdosage en principe actif. En retour, Hydrachem accuse Sovedis de mentions trompeuses sur son propre produit, notamment en revendiquant une « formule brevetée ».

 

Sovedis distribue les comprimés Aquatabs en France, produits reconnus pour la purification de l’eau. Depuis plusieurs années, elle fournit l’armée française. Pour sa part, Hydrachem distribue les comprimés Oasis, sélectionnés par l’armée française depuis 2016 pour les rations de combat. Sovedis accuse Hydrachem de vendre des comprimés contenant un dosage supérieur à celui annoncé (5 mg au lieu des 3,5 mg indiqués) et de tromper les consommateurs en prétendant que ses comprimés sont efficaces contre des maladies comme la bilharziose, sans preuve concluante.

 

Le Tribunal de commerce de Paris avait initialement rejeté les demandes de Sovedis, estimant que les preuves de surdosage et de tromperie n’étaient pas assez convaincantes. Sovedis a donc fait appel de ce jugement et réclamait notamment une expertise pour confirmer le dosage réel des comprimés Oasis. De son côté, Hydrachem a dénoncé de manière reconventionnelle les pratiques commerciales de Sovedis, en particulier l’utilisation de mentions trompeuses telle que « formule brevetée ».

La Cour d’appel a confirmé en grande partie le jugement initial et rejeté les demandes de Sovedis pour concurrence déloyale contre Hydrachem. Cependant, elle a examiné de manière approfondie les accusations de Hydrachem contre Sovedis, notamment la revendication de Sovedis selon laquelle les comprimés Aquatabs font l’objet d’une « formule brevetée ».

La Cour a jugé que cette mention « formule brevetée » était trompeuse du fait que Sovedis n’a pu fournir aucune preuve d’un brevet pour Aquatabs.
Hydrachem a démontré que Sovedis ne disposait ni d’un brevet ou demande de brevet ni de licence de brevet pour ce produit, ce qui rend cette mention fallacieuse.

La Cour a souligné que cette déclaration pouvait induire en erreur les consommateurs, leur faisant croire que le produit Aquatabs possédait une innovation protégée par un brevet, gage de qualité et de sécurité, ce qui n’est pas le cas.

De plus, la Cour a rappelé que l’article L.615-12 du code de la propriété intellectuelle interdit de revendiquer abusivement la qualité de propriétaire d’un brevet, sous peine d’amende.

La Cour a donc ordonné à Sovedis de retirer la mention « formule brevetée » de la fiche technique du produit Aquatabs et de tout autre support de communication. Elle a assorti cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard si la société ne se conforme pas à la décision dans un délai d’un mois.

 

La Cour a insisté sur la gravité de cette pratique, qui, selon elle, constitue un manquement à la diligence professionnelle et pourrait affecter le comportement économique des consommateurs. En revanche, aucune des parties n’a obtenu de dommages-intérêts, faute de preuves suffisantes quant à un préjudice économique direct.
Cet arrêt met en lumière l’importance pour les entreprises de ne pas revendiquer abusivement des droits qui ne sont pas protégés sous peine de sanctions judiciaires. Ici des caractéristiques protégées comme un brevet, ailleurs une marque enregistrée.

 


Anne Levy Brandon IP
 Anne Levy
 Associée, Mandataire Européen et Conseil en propriété industrielle

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